Article écrit par Lydia Cacho pour le magazine Sin Embargo.
Source : Courrier International.
Source : Courrier International.
N'oubliez pas de lire la brève "Mal recu !" afin de bien comprendre ce contexte agité de campagne présidentielle.
© AFP
Mal reçu !
Le candidat à la présidentielle du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) Enrique Peña Nieto a rendu visite aux étudiants de l’université privée Ibéro-américana le 14 mai dernier, un établissements privé très prestigieux au Mexique. Contrairement à ce que le candidat attendait, il a été mal reçu par des étudiants protestant contre sa candidature et contre la possibilité que le Parti révolutionnaire revienne au pouvoir après dix ans d’absence. Le même parti qui avait régné sur le Mexique pendant 71 ans. Peña Nieto est donné gagnant au premier tour de la présidentielle du 1er juillet. Cette manifestation a fait boule de neige, le mouvement s'est propagé aux autres universités publiques et privées. Les "enojados", les indignés mexicains, protestent ponctuellement depuis presque maintenant deux semaines. Comme les étudiants canadiens ou les jeunes protagonistes des révoltes arabes, les Mexicains se donnent rendez-vous par le biais de Twitter et Facebook et se reconnaissent sous l’étiquette#YoSoy132 en référence au nombre d’étudiants qui ont manifesté la première fois.
Ce n'est pas un hasard. Tandis qu'au Mexique les étudiants se soulèvent dans la dignité face à la sottise politique et aux manipulations médiatiques, le printemps érable québécois en est déjà à sa quatorzième semaine. Les jeunes Québécois se rebellent contre le projet gouvernemental d'augmentation de 75% de frais universitaires. Ils font valoir que si ce gouvrnement peut sauver les banques, il doit taxer les établissements financiers afin que l'enseignement soit gratuit. Ils ont raison. Les sauvetages bancaires sont l'une des grandes pathologies du capitalisme du XXIè siècle.
Le mouvement né en Espagne avait démontré le ras le bol des jeunes, qui savent bien que l'arrivée de la droite au pouvoir ne fera que réduire encore les libertés et aggraver la fracture sociale.
Parmi les étudiants de l’Ibero [l’Université privée et très prestigieuse Ibéro-américana], certains tiennent déjà un discours plus complexe que celui de la simple colère face à un candidat orgueilleux [Enrique Peña Nieto, gouverneur de l’Etat de Mexico et candidat du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI)], que rien ne décoiffait [ses cheveux dignes d’un protagoniste de telenovela sont objets de moqueries] et qui a pourtant fini par se cacher dans les toilettes à cause de la rébellion étudiante.
Pour les jeunes Mexicains, la décadence du pays est déjà devenue un problème personnel. Ce sont les moins de trente ans qui sont les plus souvent victimes d’une répression sélective de la part des services de sécurité (police, armée, etc.). Plus ils remettent en cause le pouvoir en place, plus ils s’exposent à être victimes de la répression, de la violence, parfois même au péril de leur vie. Ici j’inclus ma corporation journalistique et celle des défenseurs des droits de l’homme.
Ces étudiants sont promis à un avenir incertain, ils se sentent victimes d’un système éducatif obsolète qui ne les prépare pas à la réalité de ce siècle. Ils constatent, à des degrés divers, le vide moral que leur ont laissé les maîtres du Mexique, ces patrons et ces politiques dont la collusion a profondément affaibli le pays.
Ils sont une génération qui refuse de se laisser enfermer dans la catégorie des Ninis [ceux qui ne veulent ni étudier ni travailler], car comme l’a dit une jeune Mexicaine sur Twitter : "Le nini, c’est le Mexique : il ne nous assure ni enseignement gratuit de bon niveau, ni égalité des chances".
Il faut remercier Peña Nieto d’avoir été le déclencheur imparfait d’une rébellion parfaite et indispensable. Parfaite parce qu’elle naît de la base, parce qu’elle n’obéit à aucune stratégie occulte, parce qu’elle se déroule dans la dignité, parce qu’elle porte un discours clair contre la manipulation médiatique et politique. Mais aussi et surtout parce qu’elle s’enracine dans la volonté qu’ont les jeunes d’exprimer librement leurs idées politiques, y compris en insultant un candidat qui les inquiète et dont le cynisme est devenu inacceptable. Peut-être Peña Nieto a-t-il couru à sa perte en jouant la carte de la jeunesse. Seuls les jeunes voulant vivre à l’ombre du pouvoir répondent volontiers à son appel, les autres se démarquent de lui, ils se savent meilleurs, ils refusent d’être ses sujets.
Elena Poniatowska [écrivaine mexicaine] a dit que c’était le nouveau mai 68. C’est aussi une rébellion face à un autoritarisme qui nous promet la paix moyennant le silence, qui nous promet la sécurité moyennant l’argent, qui nous promet toujours plus de continuité. Aujourd’hui, la jeunesse mexicaine, laissée pour compte depuis si longtemps, réclame un pays différent et libre. Il n’y a pas que des mots derrière, mais quelque chose de bien plus puissant : un cri de liberté par lequel les jeunes se réapproprient la rue dans un pays "adultocentrique" et très peu démocratique. Et cela, c’est déjà un premier pas.
Pour ceux qui désirent en savoir plus sur l'auteure, Lydia Cacho, reconnue internationalement pour sa lutte pour le droit des femmes, voici sa biographie :
- en francais (très courte) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lydia_Cacho
- en espagnol (beaucoup plus complète) : http://es.wikipedia.org/wiki/Lydia_Cacho
Bonjour,
RépondreSupprimerJe voudrais savoir si tu vis actuellement au Mexique et si oui, qu'y fais-tu?
Suivant ta situation, je serai assez intéressé par une interview pour le site etudier-voyager.fr
Merci et bonne continuation (contact@etudier-voyager.fr)
Bonjour, pardon je ne m'étais pas rendu compte de ton message, je te réponds directement par mail, à bientôt !
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerMoi aussi cela m'intéresserait de savoir ce que tu fais au Mexique, d'où t'est venue l'idée d'aller en Bolivie que tu connais sans doute déjà et ce qui t'attire dans ce pays.
Tu peux me repondre par MP
Merci a l'avance
Christian